Les Macchiaioli : un alter-ego italien de l’impressionnisme
Les Macchiaioli : un alter-ego italien de l’impressionnisme
Au XIXe siècle, un élan de modernité traverse l’Europe et transforme en profondeur le paysage artistique international. Si Paris, et plus largement la France, est souvent présentée comme la capitale mondiale de l’art et de la modernité, l’Italie connaît aussi en peinture des bouleversements majeurs.
Venus de toute la péninsule, plusieurs jeunes artistes se rencontrent à Florence vers 1850 et étudient à l’Académie des beaux-arts. La ville toscane apparaît alors comme le cœur battant de la vie artistique italienne, mais reste un lieu chargé d’histoire et de traditions, portant l’héritage du passé et des maîtres anciens.
On observe alors, dans la carrière de peintres comme Giovanni Fattori, Giuseppe Abbati, Telemaco Signorini, ou Federico Zandomeneghi, un phénomène comparable à celui qui agite la scène artistique française. En effet, ils sont animés par un désir croissant de rompre avec l’académisme et une volonté de représenter la réalité contemporaine. Ils souhaitent se détacher des modèles d’apprentissage traditionnels auxquels ils préfèrent l’étude et l’observation directe de la lumière en plein-air, à travers une technique plus rapide et libre. À bien des égards, ces jeunes artistes peuvent donc être comparés aux impressionnistes français.
Les Macchiaioli, des impressionnistes italiens ? [1]
Rassemblés par le qualificatif de « macchiaioli » (littéralement « tachistes »), les artistes s’émancipent des enseignements de l’Académie et prennent leurs quartiers au Caffè Michelangiolo, qui devient le lieu de leurs réunions, transformant ainsi le bar en centre névralgique des discussions artistiques et politiques à Florence. Ces soirées de débats animés évoquent celles du café de la Nouvelle-Athènes à Paris, haut lieu de rencontre des impressionnistes.
Aussi, alors qu’en France, le terme « impressionniste » avait été forgé par la critique, sous la plume de Louis Leroy dans Le Charivari notamment, celui de « macchiaioli » apparaît en Italie dans un article anonyme de la Gazzetta del Popolo en 1862. Les deux journaux se rejoignent dans leur critique moqueuse des peintres, qui font de « cette facture lâchée, ces frottis, ces éclaboussures »[2] une nouvelle forme de peinture.
Délaissant les scènes religieuses et grandes peintures mythologiques, les deux groupes d’artistes se concentrent sur des images modernes, capturant le monde contemporain en pleine mutation. Français et Italiens puisent d’ailleurs dans l’actualité politique de leur pays de nombreuses sources d’inspiration. Si certains impressionnistes s’intéressent à la Commune et peignent les émeutes à Paris, les Macchiaioli, comme Giovanni Fattori, illustrent les révoltes liées au Risorgimento, mouvement d’unification de l’Italie mené par le général Giuseppe Garibaldi.
Mais les œuvres de Fattori s’en tiennent à une simple observation des cavaliers. Ces images sont loin des scènes militaires traditionnelles, qui glorifient des soldats en héros. Ils apparaissent dans l’attente, désœuvrés, impuissants. L’artiste semble davantage s’intéresser à la lumière et ses effets, et représente les soldats dans un paysage baigné de soleil, peint avec une touche fluide.

- Giovanni FATTORI (1825-1908)
- Lanciers au repos, 1870.
- Huile sur toile, 39 x 28 cm
Collection Nahmad
- © Collection Nahmad
Individualités et destins particuliers
Né en 1825, Giovanni Fattori mène à la fois une carrière de peintre mais aussi de grand professeur à l’Académie des beaux-arts de Florence. Nombreux sont les jeunes artistes à étudier dans son atelier. Formés aux principes des Macchiaioli, certains évoluent vers un style très personnel, qui leur vaudra parfois des carrières tout à fait exceptionnelles.
Le Ferrarrais Giovanni Boldini s’installe à Florence en 1864 à 22 ans. Étudiant à l’Académie, il se joint aux Macchiaioli lors de leurs fameuses réunions au Caffè Michelangiolo. S’il est profondément marqué par leur façon de peindre et de voir le monde, il cultive très tôt son individualité en se spécialisant dans l’art du portrait. Grand voyageur, il visite Paris et Londres, et rencontre les élites bourgeoises des capitales européennes qui lui commandent des tableaux. Installé définitivement à Paris depuis les années 1870, il devient un artiste très prisé, emblématique de la Belle-Époque, portraitiste des Ladies et des Comtesses venues de toute l’Europe pour s’offrir l’un de ses portraits.

- Giovanni BOLDINI (1842-1931
- Signora Diaz Albertini,, 1909.
- Huile sur toile, 104,5 x 97,5 cm
Collection Nahmad
- © Collection Nahmad
Quant à Federico Zandomeneghi, le vénitien, il étudie à l’Académie de Venise avant de s’installer à Florence, où il se lie d’amitié avec les Macchiaioli. Influencé par leurs idées sur la couleur et la peinture en plein air, il est proche de Giovanni Fattori et du critique Diego Martelli. Il y rencontre aussi Edgar Degas, de passage à Florence, qui l’incite à visiter Paris. Installé dans la capitale française depuis 1874 et devenu l’ami de Camille Pissarro, Degas ou encore Pierre-Auguste Renoir, Zandomeneghi participe à quatre expositions impressionnistes. Resté en France jusqu’à sa mort, il est peu connu en Italie, mais pleinement reconnu comme impressionniste, dont il adopte complètement les principes, dans son pays d’adoption.

- Federico ZANDOMENEGHI (1841-1917)
- La Corbeille de géraniums, vers 1901.
- Huile sur toile, 91 x 60 cm
Collection Nahmad
- © Collection Nahmad
[1] Le rapprochement entre les deux groupes a été largement étudié par Marie-Paul Vial, Beatrice Avanzi, Isabelle Julia et Maria Lopez, à l’occasion d’une exposition portant ce titre, présentée conjointement au musée de l’Orangerie à Paris et à la Fondation MAPFRE à Madrid en 2013.
[2] Louis Leroy, « L’Exposition des impressionnistes » dans Le Charivari, 25 avril 1874.
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