Joan Mitchell est l’un des plus grands peintres abstraits du XXe siècle. Installée à Vétheuil, elle peignit pendant des années au coeur des paysages chers à Claude Monet.

Expressionnisme ou impressionnisme abstrait ?

Joan Mitchell est la fille d’un médecin et artiste amateur, qui l’emmène régulièrement dans les musées, et d’une poète, co-éditrice de la prestigieuse revue Poetry. De 1944 à 1947, elle étudie à la School of the Art Institute of Chicago. 

Installée à New York en 1949, elle fréquente les lieux où se réunit l’avant-garde artistique. Elle se lie d’amitié avec Willem de Kooning et Franz Kline et se fait accepter au sein de l’« Artist’s Club », qu’ils ont fondé en 1949. Peu de femmes seulement – dont Elaine de Kooning, Lee Krasner et Helen Frankenthaler – y sont admises. Entre 1950 et 1958, Mitchell travaille et expose à New York aux côtés des autres peintres expressionnistes abstraits comme Willem De Kooning, Robert Motherwell et Jackson Pollock.

Le critique Clement Greenberg souligne à l’époque qu’il est impossible aux artistes new-yorkais d’ignorer l’œuvre de Claude Monet, dont un grand panneau des Nymphéas vient d’entrer au Museum of Modern Art de New York. Mitchell niera toujours l’influence du maître impressionniste sur sa peinture. Celle-ci est malgré tout souvent associée à l’« impressionnisme abstrait », expression forgée par le critique Louis Finkelstein pour évoquer cette rencontre entre l’œuvre des dernières années de Monet et l’abstraction américaine.

Dans l’atelier de Vétheuil

En 1955, Joan Mitchell passe une partie de l’été à Paris, où elle rencontre plusieurs artistes, parmi lesquels Sam Francis et Jean-Paul Riopelle, avec qui elle commence une relation passionnée, qui durera jusqu’en 1979. En 1959, Mitchell s’installe définitivement en France. Elle vit à Paris avec Riopelle, dans un petit appartement-atelier, rue Frémicourt. En juillet 1967, Mitchell achète une maison sur la Seine, à Vétheuil. Elle vivra jusqu’à la fin de sa vie dans cette demeure très proche de la maison qui fut celle de Claude Monet avant qu’il ne s’installe non loin de là, à Giverny. Dans l’atelier de Vétheuil, elle peint des séries de polyptyques dont le format imposant domine le spectateur.

La peinture de Joan Mitchell est immense, lumineuse, dynamique et fait profondément référence à la nature, qui entourait de toute part son atelier de Vétheuil, avec ses larges points de vue sur la Seine. En témoignent les séries de La Grande Vallée, Les Tournesols ou encore Les Champs.

Bien que Mitchell ait toujours refusé que l’on compare ses peintures avec l’œuvre tardif de Monet à Giverny, les deux artistes ont en commun plusieurs préoccupations artistiques : l’ancrage de leur pratique dans une incessante observation de la nature, leur intérêt optique pour la couleur et la lumière, sans oublier la mise au point d’une surface picturale monumentale et sans point de fuite, à la fois frontale et transparente.