À Giverny, Claude Monet crée un jardin qui devient son motif de prédilection mais aussi l’instrument d’une évolution radicale de sa peinture.

Du verger normand au jardin impressionniste

Claude Monet s’installe au Pressoir, à Giverny, le 29 avril 1883. À la fin de l’année 1889, avec l’aide financière du marchand Paul Durand-Ruel, Monet achète la propriété. Dans les maisons louées jusque-là, il s’était efforcé d’aménager à son goût les jardins, en composant avec les exigences des propriétaires. L’acquisition de la maison de Giverny lui permet enfin de laisser libre cours à son imagination.

À l’origine, le jardin du Pressoir est un grand verger, avec quelques massifs devant la maison et deux longues plates-bandes de chaque côté de l’allée centrale. Monet conserve cette structure mais remplace les arbres fruitiers par des fleurs plantées en plates-bandes et en carrés serrés. En 1893, Monet achète une parcelle de terrain en contrebas de sa propriété, de l’autre côté de la route et du chemin de fer qui la longeait alors. Il demande l’autorisation au préfet de l’Eure de creuser sur cette parcelle un bassin et de l’alimenter en pratiquant une prise d’eau dans un bras de l’Epte. Il dessine ainsi les premiers contours du jardin d’eau, où il plante des nymphéas colorés commandés aux pépinières Latour-Marliac. En 1901, grâce à l’achat d’une parcelle contiguë et à la dérivation d’un bras de l’Epte, Monet triple la surface du bassin.

En s’inspirant librement des jardins anglais et japonais, des marchés aux fleurs parisiens et des champs de tulipes hollandais, Monet a inventé un paysage qui ne ressemble à aucun autre et qui devient le type même du jardin impressionniste.

Une nouvelle aventure artistique

Au tournant du siècle, le jardin, plus particulièrement le bassin aux nymphéas, devient le motif de prédilection de Monet et l’instrument d’une évolution radicale de sa peinture. Dès 1898, il a l’idée de s’inspirer du bassin pour un décor. Il imagine une pièce circulaire, un salon, dont les murs seraient transformés par ses peintures en parois transparentes ouvrant sur un horizon d’eau parsemé de végétation, tour à tour vert et mauve, calme et silencieux : ce seront les grands Nymphéas, aujourd’hui conservés au musée de l’Orangerie, auxquels il travaille sans relâche jusqu’à la fin de sa vie. L’audace des Nymphéas et l’influence que ces toiles ont eu sur l’art des plus jeunes générations n’ont rien à envier à celles des chefs-d’œuvre de Picasso et de Matisse. 

L’ouverture au public

À la mort de Monet, son fils Michel hérite de la maison. Il la confie au soin de sa belle-sœur Blanche, qui y vit jusqu’à sa mort en 1947. La maison et le jardin sont ensuite laissés à l’abandon. Michel Monet meurt en 1966. Dans son testament, il lègue la propriété à l’Académie des beaux-arts. Celle-ci n’a alors pas les moyens de la restaurer. La toiture est néanmoins refaite, la collection d’estampes japonaises protégée, et ce qui reste des toiles est transporté au musée Marmottan, aujourd’hui musée Marmottan Monet . À partir de 1977, le conservateur Gerald Van Der Kemp s’attèle au sauvetage de la maison et du jardin de Giverny. Il parvient à mobiliser des mécènes américains et à financer trois années de travaux considérables. En 1980, la Fondation Claude Monet est créée, et le jardin est ouvert au public pour la première fois.

Visuel :
Claude Monet (1840-1926), Nymphéas avec rameaux de saule, 1916-1919
Huile sur toile, 160 x 180 cm. Paris, lycée Claude-Monet, don de Michel Monet, dépôt au musée des impressionnismes Giverny, 2021, MDIG D 2021.1.1
© Paris, lycée Claude-Monet / photo : Jean-Charles Louiset